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Publié le : 11/12/2023
Mis à jour le : 16/01/2024
La communication est-elle un vrai métier ?
Certain·e·s ne le savent peut-être pas, mais la communication est un métier avant d’être une fonction. On peut même dire aujourd’hui que ce sont plusieurs métiers, qui se combinent dans le cadre d’une fonction loin d’être accessible à tous !
Contrairement aux expert·e·s-comptables ou aux avocat·e·s, pour ne citer que deux exemples emblématiques, ce n’est pas un diplôme opposable qui donne accès à la fonction de directeur ou directrice de la communication, mais un nombre conséquent de compétences mêlées : stratégiques, artistiques, juridiques, graphiques, numériques, techniques… entre autres. Elles s’appliquent dans un grand nombre d’activités aussi diverses que l’édition, la réputation, les marques, les relations presse, l’évènementiel, le web, la communication de crise, financière, RH, interne, employeur… entre autres.
Si la communication est une des fonctions les plus fantasmées, désirées ou détestées, c’est surtout un écosystème de métiers qui évolue à très grande vitesse, principalement depuis l’explosion du numérique, et qui se transforme chaque jour. C’est une fonction qui s’est tardivement professionnalisée et qui exige toujours beaucoup de pédagogie, tellement elle semble insuffisamment connue, autant de la part de ceux qui pourraient la réduire à un gadget coûteux et futile, que d’autres qui s’imagineraient compétents pour l’exercer. Même les fiches métiers des organismes d’orientation, les formations proposées par certaines écoles, les références professionnelles des cabinets de recrutement ou des services RH sont dépassées.
N’est pas communicant qui veut
N’est pas communicant·e celui ou celle qui aurait une idée, préfèrerait le vert au bleu, ou s’exprimerait avec aisance en public. Est communicant·e celui ou celle qui sait exploiter une idée et la valoriser, donner du sens au choix d’une couleur, écrire un discours impactant à prononcer devant une assemblée. N’est pas communicant·e celui ou celle qui parle le plus fort et ou impose ses vues, mais plutôt celui ou celle qui sait convaincre et parfois même se taire !
Vision globale d’un projet, d’une stratégie
Est communicant celui ou celle qui est capable d’avoir une vision globale d’un projet, qui s’inscrit dans une stratégie, qui en maîtrise et en assure la mise en œuvre, tant au niveau des moyens humains que budgétaires, en tenant compte des contraintes techniques, juridiques ou calendaires, avec des exigences opérationnelles et rédactionnelles, typographiques et graphiques ; celui ou celle qui est capable de gérer une réputation ou une crise, à une époque où l’instantanéité rythme les journées, au son des notifications des smartphones.
Il n’est pas facile d’être performant en communication, car tout le monde estime pouvoir faire mieux que vous. Cette observation parle à toutes celles et ceux, un peu expérimenté·e·s, qui ont pu être confronté·e·s au fait que tout le monde ou presque a une opinion sur la communication, malgré une absence d’expertise, d’expérience, et de raisonnement, chacun·e s’autorisant juste à donner un avis sur un sujet qu’il ou elle ne connaît pas !
Pour citer le psychiatre suisse Carl Gustav Jung, « réfléchir c’est difficile, c’est pourquoi la plupart des gens jugent », et donnent leur avis, évidemment sans aucune légitimité professionnelle, seulement un point de vue personnel, affectif et gratuit, qui peut devenir une prise de position faisant autorité, du fait de la fonction ou de la position hiérarchique de l’intéressé·e dans l’organisation.
La communication n’est pas la variable d’ajustement de l’inorganisation des autres
La communication serait donc un métier si facile et agréable que tout le monde pourrait le faire. Demandons-nous alors pourquoi ces personnes qui s’autoproclament communicantes, avec une manifeste surestimation d’elles-mêmes, ont préféré s’engager dans des filières apparemment plus compliquées, plus pénibles, plus stressantes…
Je n’ai jamais vu mes collègues directeurs ou directrices financier, informatique ou juridique être contesté·e·s dans leurs compétences par des jugements personnels. D’ailleurs, personne ne s’autoriserait à leur donner des leçons de fiscalité, de code ou de droit. À l’inverse, nombre de mes collègues DirCom recevront tout au long de leur carrière des avis, parfois bien tranchés, voire des consignes les invitant à commettre des fautes techniques, juridiques, éthiques, typographiques… La liste est sans fin.
Le communicant n’est ni un marchand de rêve, ni un faiseur de miracle.
La communication n’est pas non plus la variable d’ajustement de l’inorganisation des autres. Quand la com est associée à un projet de plusieurs mois, quelques heures avant son lancement, cela dépasse le stade du mépris ou de l’inconscience. C’est de l’incompétence, voire une faute professionnelle, de la part du chef de projet ou de sa hiérarchie.
C’est pourtant parfois le cas, encore le cas, ou toujours le cas, suivant les entreprises ou les organisations, suivant l’autorité qui est accordée à la communication et l’autorité professionnelle de celui ou celle en charge de la diriger, et qui doit donc faire preuve d’un certain leadership et de vraies compétences managériales. Autant de compétences qui indiquent qu’être communicant·e ne pourrait pas se limiter à avoir une idée, préférer le vert au bleu, ou s’exprimer avec aisance.
Un métier de disponibilité vis-à-vis des autres
La communication un vrai métier, rigoureux et de labeur. Un métier de disponibilité vis-à-vis des autres, où on ne compte pas son temps, ni ses soirées, ni ses week-ends. C’est un métier avec des pans artistiques qui permettent aux créatifs de s’exprimer, et des pans juridiques, techniques, logistiques qui imposent connaissance et respect de règles et de processus. C’est un métier qui bénéficie de plus en plus d’outils de diffusion, de promotion, de veille, d’analyse, mais un métier dont les résultats ne peuvent pas être scientifiquement garantis, et qui conserve une part d’incertitude, liée autant aux aléas de l’humain, qu’à ceux de la technique, de l’actualité, de la météo, de la politique, sans parler d’informations ou d’évènements concurrents imprévisibles…
La communication de crise est un révélateur du métier
Oui, la communication est un métier. Et la gestion de crise, de plus en plus fréquente, dans un monde de plus en plus exposé et commenté, en est un révélateur aux yeux des acteurs internes de l’entreprise. En gestion de crise, tout devient communication de crise, au point que certain·e·s abandonneraient l’entreprise aux mains de la communication. Un excès succèderait ainsi à un autre. En cas de crise, chacun·e aurait tendance à se réfugier derrière les expert·e·s de la com, qui se trouvent immédiatement beaucoup moins nombreux pour donner un avis qui engage, pour assumer les risques, partager les responsabilités…
Oui, la communication est une affaires de professionnel·le·s, qui anticipent les crises et s’y préparent quand tout va bien, en formant les dirigeant·e·s à la prise de parole ou les collaborateurs et les collaboratrices au bon usage des réseaux sociaux, en publiant des contenus exclusifs et positifs qui donnent du poids aux marques dans les médias, en travaillant le référencement naturel de l’entreprise sur le web… pendant que d’autres la ramènent pour donner leur avis, sans vision d’une stratégie de communication, sans connaissance des impacts et conséquences de chaque action, sans compétence pour un vrai métier qui n’est juste pas le leur.